
II. PROBLÈMES ENGENDRÉS PAR CETTE PRATIQUE
A) PROBLÈMES TECHNIQUES
Est-il possible de ramener les patients à la vie ?
La cryogénisation a beau être une technique pleine d’espoir, de nombreux doutes planent toujours autour de cette pratique. Parmi eux, le questionnement le plus évident est celui de la possibilité de résurrection des patients. Est-il techniquement possible de ramener les patients à la vie ? Telle est la question que se pose un grand nombre de personnes. Si les techniques de conservation des corps ont évolués en passant de la simple « congélation » dans les années 60 à la « vitrification » aujourd’hui pratiquée, il n’en demeure pas moins qu’aucune solution n’a été trouvée pour réveiller les patients. C’est un problème qui divise la communauté scientifique avec d’un côté les sceptiques qui pensent qu’une telle résurrection ne sera jamais possible et de l’autre ceux qui osent croire que la médecine du futur sera en mesure, d’ici quelques siècles, de ramener à la vie les patients cryogénisés. En effet, les progrès réalisés ces dernières années en matière de cryoconservation sont plutôt prometteurs. Par exemple, des scientifiques californien ont réussi en 2010 à cryogéniser un rein de lapin puis à le ramener à température ambiante avant de le greffer sur un lapin dépourvu de rein. L’expérience fut un succès et l’organe a repris ses fonctions habituelles sans problèmes. Cependant, des progrès sont encore à réaliser avant de prétendre à la réanimation d’un corps humain entier ou à peine d’un cerveau, puisque c’est dans ce dernier que se trouve l’identité du patient cryogénisé. En effet, l'une des raisons principales pour laquelle la cryogénisation n'est pas encore effective est la difficulté à conserver en bon état les neurones et leurs connexions. Les substances cryoprotectrices, bien que peu toxiques, peuvent tout de même endommager le cerveau durant la conservation. Toutefois, les récentes avancées scientifiques redonnent espoir aux partisans de la cryonie, c'est notamment le cas d'une expérience menée par des chercheurs de l'Institut de technologie du Massachusetts (MIT). Ces derniers ont réussi à cryogéniser à -100°C un cerveau de lapin en gardant intactes ses neurones, synapses, membranes et structures cellulaires.
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Comment les patients s’adapteront-ils à leur nouvelle époque ?
Dans le scénario où les patients ayant eu recours à la cryogénisation seraient ramenés à la vie, il reste encore un gros problème à résoudre : Comment les patients s’adapteront-ils à leur nouvelle époque ? Effectivement, le temps que la médecine trouve une solution pour les « ressusciter », des siècles seront sûrement passés. Il faut alors trouver un moyen d’acclimater les patients aux nouvelles coutumes et moeurs de leur nouvelle époque. Afin de pallier ce problème, des partisans de la cryogénisation et du transhumanisme* imaginent pouvoir, dans le futur, télécharger des informations dans le cerveau des patients sortis de cryonie, afin de leur faire rattraper des siècles de retard. D’autres scientifiques, plus réalistes, comptent sur la mise en place de stage de réadaptation ou de séances de psychothérapie, dans le but d’éviter que les patients se retrouvent seuls face à leurs nouveaux contemporains, ce qui pourrait entraîner chez eux des dépressions et peut-être même des suicides.
Il y aura-t-il assez de ressources sur Terre pour les générations futures et les générations cryogénisés ?
En admettant le fait que la cryogénisation puisse un jour être une technique fonctionnelle, une question capitale de gestion du territoire et des ressources se pose. Notre belle planète compte aujourd’hui 7,4 milliards d’êtres humains et selon les dernières estimations de l’ONU, cette population atteindrait les 9,7 milliards d’individus d’ici 2050, allant même jusqu’aux 11,2 milliards en 2100. Serons-nous alors capable d’accueillir en plus de cette population en hausse nos congénères qui opteront pour la cryogénisation afin de repousser un peu plus leur espérance de vie ? À ce jour, la réponse est « NON » car il faut d’abord trouver une solution à la gestion des ressources et du territoire de notre planète pour accueillir les générations futures naturelles (futures naissances). Toutefois, si cette optimisation des ressources est réussie, l’accueil de générations cryogénisées serait alors envisageable, bien que certains partisans de la conquête spatiale projetteraient même de faire déménager une partie de l’humanité sur une autre planète présentant des conditions favorables à la vie. En outre, la découverte par la NASA ce 22 février dernier d’un système planétaire composé de 7 exoplanètes dont 3 potentiellement habitables, situées à “seulement” une quarantaine d’années lumière de notre Terre, renforce l’espoir de faire déménager, un jour ou l’autre, une partie de l’humanité.
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Quelles sont les limites légales de cette pratique ?
En France, la loi du 15 novembre 1887 reconnaît pour tout individu le droit d’organiser comme il le souhaite ses propres funérailles et quiconque ne respectant pas les dernières volontés du défunt risque alors 7 500 € d'amende et 6 mois de prison. Cependant, cette loi n’admet que la l’inhumation et l'incinération ; la cryogénisation n’est donc pas reconnue par la législation française et cette position a été rappelé lors d’une question posé au gouvernement en 2006 au sujet de l’affaire Martinot, à laquelle répondit le Ministère de l’Intérieur : « la réglementation et la jurisprudence n’acceptent que deux modes de sépulture : l’inhumation et la crémation. La cryogénisation est en conséquence une pratique interdite. [...] Par ailleurs, les deux modes de sépulture retenus en France ont pour finalité la disparition des corps et par voie de conséquence la libération régulière d'emplacements dans les lieux d'inhumation, ce que la congélation des corps ne pourrait assurer ». C’est pourquoi des associations telles que la Société Cryonics de France se battent pour la légalisation de cette pratique. Cependant la législation des États-unis d'Amérique donne son accord l’utilisation de cette pratique, sans émettre de restriction. Aucune loi ne régit le nombre de cryogénisations accordées à un même patient.
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Quelles inégalités sont engendrées par cette pratique ?
Face à cette nouvelle pratique futuriste, la question se pose de savoir si tout le monde aurait accès à la cryogénisation. En effet, il s’agit d’une technique très onéreuse, comptez environ 75 000 euros pour la conservation de la tête seule et 188 000 euros pour le corps entier, ce qui se révèle être une importante somme pour une personne aux revenus modestes. On pourrait donc penser que la cryogénisation serait réservée à une classe dite “aisée” de la société, ce qui engendrerait peut-être la création d’une élite de riches “immortels” car ceux-ci auraient plus de facilité à avoir accès à cette pratique. En outre, une nouvelle question se pose aux sujets des inégalités engendrées par cette pratique : les criminels auront-ils accès à la cryogénisation ? La réponse qui nous vient à tous dans l’immédiat est “NON”, puisque leur donner cette chance reviendrait à les laisser accomplir à nouveau leurs crimes, nous vivrions alors dans un monde hanté par la peur. De plus, la peine de prison à perpétuité deviendrait dérisoire puisque les malfaiteurs auraient une chance (aussi infime soit-elle) de revivre après leur mort. Cependant, avons-nous le droit de retirer à quiconque l’espoir de ressusciter ? Un criminel repenti, ayant les moyens d’accéder à la cryonie et voulant faire progresser la science n’aurait-il pas le droit, au titre de chacun d’entre nous, de se faire cryogéniser ? Malheureusement la législation ne semble pas encore s’être penchée sur ces questions qui en dérangent plus d’un.
B) PROBLÈMES ÉTHIQUES ET LÉGAUX
L’homme a-t-il le droit de vivre éternellement ?
Au cours de sa vie tout homme se soucie de la mort et de ce qui s’en suit. Une crainte d’une fatalité imminente et surtout de l’inconnu qui ronge certains ou intrigue d’autres. L'être humain ne croit pas à la disparition de son être, à l'anéantissement de son existence. La réponse escomptée serait la vie de façon illimitée ; la vie éternelle que prêche la plupart des religions. Décrite par la délivrance de l’âme après la mort pour les chrétiens, la réincarnation pour les hindous, ou encore rester sur terre en tant que « fantôme » pour certains. La cryogénisation, elle, répondrait à ses critères promettant l’éternité à chacun en conservant son être et son âme. Mais d’un point de vue éthique, l’homme aurait-il le droit de vivre éternellement ? En possède-t-il le choix ?
Au cours du temps, l’homme n’a toujours été que de passage apportant ses connaissances au service de la terre. Évoluant dans le milieu qui lui était attribué et s’adaptant, au fil des générations, aux conditions que nous offrait la Terre. Ceci a toujours été le cycle : la mort de quelques individus, pour la vie et l’évolution d’une espèce. Bousculer ce cycle aurait de multiples conséquences, notamment génétiques. L’homme dans 40 ans ne sera pas identique à l’homme d’aujourd’hui, il n’aura pas les mêmes besoins et ne sera pas affecté par les mêmes agents pathogènes ; ramener des hommes du passé pourrait alors s’avérer dangereux. Effectivement, des virus, microbes et bactéries alors oubliées et n’ayant plus leur place auraient la possibilité de dévaster l’espèce humaine du futur en refaisant surface avec les générations cryogénisées. De plus, une réintroduction d’individus de générations passées pourrait ralentir l’évolution en conservant des caractères désuets ou inappropriés aux conditions de vie futures. Ce serait donc un handicap pour les descendants de ces hommes conservés indéfiniment.
Mise à part les problèmes sanitaires et génétiques, la santé mentale des patients cryogénisés serait très fragile. Certes l’idées de pouvoir vivre et découvrir le monde tel qu’il nous aurait été de le faire impossible si nous étions mort semble être attrayante au premier abord. Mais qu’en est-il sur le long terme ? Vivre dans un monde de plus en plus jeune, voir ceux qu’on aime partir s’ils ne possédaient pas les mêmes moyens pour s’offrir l’immortalité ou alors se fatiguer du poids des années. Tous ces éléments seraient dévastateurs pour la santé morale du patient et il passerait sans doute sa vie à regretter son acte plutôt qu’à jouir des plaisirs de l’immortalité acquise.
En somme l’homme ne devrait pas détenir le droit de vivre éternellement néanmoins c’est un choix qu’il est libre de faire, en pesant toutes les conséquences que cet acte pourrait engendrer sur l’équilibre instauré par Dame Nature.
Dans l’objet d’une contextualisation de notre sujet, nous avons fait le choix de réaliser avec Google Forms un sondage illustrant l’avis de la population martiniquaise sur la cryogénisation. Pour cela, nous avons questionné un panel constitué de 127 personnes, issues de générations différentes et comprenant à la fois élèves, professeurs, infirmières…
A l’aide des résultats obtenus suite aux 12 questions proposées, nous avons pu établir grâce à un tableur-grapheur, une étude statistique mettant en relief l’avis de la population.
Cliquez ci-contre pour un aperçu
du questionnaire proposé
Ainsi, sur 127 personnes interrogées, 101 d'entre elles avaient déjà entendu parler de la cryogénisation, tandis que 26 autres n'en avaient jamais entendu parler. De plus, 88 personnes affirment avoir une croyance religieuse.



Par ailleurs, la majorité des candidats au sondage disent avoir un avis mitigé (31%) ou défavorable (41%) au sujet de la cryogénisation.
En revanche, 28% d'entre eux ont une opinion favorable concernant cette pratique


En outre, la plupart (83 sur 127) des personnes ayant répondu au questionnaire affirment qu'elles ne voudraient pas avoir recours à la cryogénisation, même s'il était assuré qu'elles se réveilleraient. Cependant, 39 personnes répondent qu'elles se feraient cryogéniser si la chance de les réanimer était de 100%
Enfin, nous avons réalisé le diagramme circulaire ci-contre en classant par thème les problèmes identifiés par les candidats au sondage. Certains questionnements revenant fréquemment, nous en avons sélectionnés quelques-uns et avons élaboré notre deuxième partie autour de ceux-ci. Hormis des questions d'ordre religieux, nous avons tenté ci-après d'apporter des éléments de réponses aux problématiques soulevées par la population martiniquaise au sujet de la cryogénisation.